L’Ouvroir de Littérature Potentielle (abrégé OuLiPo) est un outil formidable pour aiguiser sa plume. Il s’agit d’un exercice de création sous contrainte. Pour la rédaction de ce texte, j’ai utilisé la contrainte dite «À supposer…», dont voici la description:
«Un À supposer… est un texte en prose (mais peut-être un poème en prose) composé d’une phrase unique très développée, initiée par la formule : « À supposer qu’on me demande ici de… »
Pas de ponctuation forte au milieu de la phrase, qui laisserait entendre qu’il y a plusieurs phrases.
Un À supposer… sérieux compte au moins 1 000 signes (200 mots).
L’origine est moins proustienne que mallarméenne : maints sonnets de Mallarmé sont clairement des défis à n’y faire qu’une seule phrase.
J’ai beaucoup utilisé cette contrainte (et devenue cette forme) pour des situations de commande où, précisément, on me demandait de réfléchir à tel ou tel sujet.» (Description prise sur le site oulipo.net)
Place au texte!
À supposer que vienne se planter devant moi un homme – ou une femme, ou un enfant, bref, un être doté à la fois de vie, conscience et intellect développé, soit apte à me réciter l’alphabet latin à l’envers ou à me donner la définition du verbe « être » – et me demande l’heure qu’il sera dans les cinq prochaines secondes – ou dans un douzième de minute si vous êtes dotés d’un esprit plus fractionnel que numérique – dans un bus bondé par un après-midi humide et pluvieux, le genre de condition dans lesquels les qualités des rapports sociaux sont, aux même titre que les avantages du transport en commun, à leur point le plus exécrable, et qu’en plus, cet homme/femme/enfant soit un bègue doublé d’un zozoteur qui mâche ses mots comme si une pomme de terre obstruait son appareil phonétique, et si en plus – les conditions s’accumulent, je vous l’accorde, mais l’expression « à supposer » dicté en début de phrase indique et précède déjà l’anormalité d’une situation pouvant habituellement se résoudre avec beaucoup plus de parcimonie – je savais qu’à cause du temps de chien qui sévissait, je manquerais le thé avec Madame la Reine, alors les chances que je reste aussi respectueux qu’à l’habitude sont faibles, et ma réponse, cinglante.

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